Le gavial du Gange, un rêve / Ganges gharial, a dream

Eric, mon frère, et moi, depuis 2 ans seulement avions ouvert la ferme aux crocodiles à Pierrelatte. Le monde se pressait pour voir les crocodiles du Nil, je n'avais jamais vu de vrais gavials, à part sur les écrans. Ils me fascinaient déjà. Leur morphologie très fuselée, leurs pattes courtes, leurs tête avec des yeux proéminents, leur mâchoire si effilée ; ils paraissaient si différents des crocodiles que je connaissais.

C'est un visiteur rencontré sur une passerelle de la ferme qui m'a raconté son séjour au Népal. Il avait aperçu ce "drôle de crocodile" dans un parc naturel. C'est devenu une idée fixe. Il fallait que j'aille voir. J'organisais un voyage avec mon ami André Servan, cinéaste, afin de faire un premier reportage.
C'était en janvier 1998, il faisait chaud dans le parc du Chitwan, à quelques kilomètres de la frontière indienne, le temps était clair et, comme  dans un décor de théâtre, la chaîne de l'Himalaya se découpait devant nous.
Un guide nous accompagnait, sur les bords de la rivière Rapti, pour essayer de nous faire découvrir "le Gavial". Tout le long, nous découvrons de nombreuses traces d'éléphants, de rhinocéros, plus tard, nous suivons les empreintes d'un tigre venu boire...
Après une longue marche, l'incroyable survient. Trois grands gavials, la gueule ouverte, se dorent au soleil. C'est génial, nous y sommes, le rêve est devenu réalité et pour parfaire l'image, deux paons sauvages viennent s'abreuver à proximité. C'est le début, le déclic de mon engagement pour la conservation. Il faut que mes enfants, mes petits enfants voient ça, les autres aussi...
Deux jours plus tard, pour les besoins du reportage nous faisons l'interview du docteur Maskey, directeur des parcs nationaux du Népal. Il nous parle avec passion des gavials et de l'intérêt de travailler à leur conservation. Il en parle avec d'autant plus de conviction qu'il a fait sa thèse de doctorat sur le sujet. Chacune de nos rencontres était pour nous un grand plaisir, cette coopération nous a permis de faire de grands pas dans la protection du Gavial au Népal. Malheureusement Tirtha Maskey nous a quitté en 2007 dans un terrible accident d'hélicoptère. Je pense souvent à lui et à son épouse.
L'interview se déroulait au centre d'élevage et de reproduction à Kasara. Je remarquais que cet endroit était bien pensé, les animaux étaient beaux, les enclos très propres. Je n'avais pas vu d'élevage aussi bien conçu dans les pays en voie de développement. Néanmoins la nursery ne paraissait pas correspondre aux besoins, d'ailleurs la mortalité des jeunes était excessive.
Nous sommes rentrés en France avec de magnifiques images du Népal, de ce fort contraste entre la chaîne de l'Himalaya, le toit du monde, et la plaine du Teraï où vit ce crocodilien si particulier...Elles n'ont pas laissé les médias et le public indifférents. Il fallait continuer d'agir pour cet animal.
Mon ami Samuel Martin, lui aussi passionné de reptiles, finissait sa thèse à la Ferme aux crocodiles. Il devait faire son service militaire et l'idée d'une coopération scientifique en faveur du gavial le séduisait. Il avait été bercé d'histoires népalaises, ayant une soeur adoptive originaire de Katmandou. Avec l'aide de Béatrice Langevin, vétérinaire elle aussi, nous avons créé l'association SOS crocodiles. Cela nous a permis de récolter des fonds pour leur séjour de 16 mois sur place et les premières actions, notamment de sensibilisation des personnes vivant à proximité du Parc. Le gavial, comme le rhinocéros et le tigre, fait partie des espèces emblématiques pour lesquelles les touristes viennent dans le parc du Chitwan. Il est donc important de maintenir la population présente dans les rivières.
Avec Tirtha Maskey, nous avons prévu un lâcher de gavials dans la rivière Narayani, qui fut l'occasion d'un deuxième reportage, et un grand bonheur pour moi de voir les crocodiles prendre leur liberté.
Pour préparer cette opération, Antoine Cadi, passionné de reptiles lui aussi, et venant de terminer son doctorat sur la gestion des populations sauvages, a géré l'opération et la mise en place de radio émetteurs qui permettent de suivre les gavials dans leurs déplacements. Sos crocodiles et la Ferme aux crocodiles, soutenus par la CEPA, sont les financeurs, de cette opération et de celles des années suivantes. En 2002 et 2003, plusieurs relâchés ont lieu, et plusieurs paires d'étudiants français travaillent avec leurs homologues népalais à pister les animaux, de façon à mieux comprendre leur façon de vivre, et d'établir des cartes de population.
Ce sont des premières avancées, mais les gavials ne sont pas pour autant hors de danger...
En mai 2000, le Gouvernement Népalais offre six gavials à la Ferme aux crocodiles. C'est un grand événement, très médiatisé. Le gavial est peu connu du public. Le Népal a bien compris l'intérêt d'une vitrine dans ce lieu dédié aux crocodiliens qui reçoit, à cette époque déjà, plus de 200 000 visiteurs venus de toute l'Europe.
Ce don est une aubaine pour sensibiliser le public et récolter des fonds pour l'association. Tirtha Maskey et le ministre de l'environnement accompagnent les animaux à Pierrelatte. En 2005, c'est Jean-Marie Ballouard qui reste au "Gharial conservation project" de Kasara pendant 8 mois afin de construire, avec l'aide d'une équipe népalaise, une nouvelle nursery, financée par SOS crocodiles. Il y a moins de mortalité parmi les jeunes gavials.
En 2006, c'est la Ferme aux crocodiles qui est choisie pour organiser le congrès mondial du groupe des spécialistes des crocodiles. C'est une première en Europe et un grand succès. Evidemment, le gavial est à l'honneur et fait l'affiche du congrès. Autour de l'animal, un groupe de spécialistes se forme pour sa défense et sa conservation.
Malheureusement, en 2007, nous devions apprendre la mort d'un grand nombre d'individus sauvages dans la rivière Chambal en Inde. Des vétérinaires du Crocodile specialist group, dont Samuel Martin, vont sur place pour appréhender les causes. La pollution semble être la principale raison de cette catastrophe.
Quelques mois plus tard, je m'y rends à mon tour avec Michel Gunther, photographe de l'agence Bios. Depuis de nombreuses années, j'étais curieux de voir cette fameuse rivière où vivait la plus grande densité de gavials. Notre visite dérange, nous ne sommes pas les bienvenus. Les photos sont interdites. L'Inde cacherait-elle ces problèmes ? La pression médiatique n'est pas encore assez forte. Il ne faut pas oublier le gavial !
En ce début d'année 2009, je me réjouis à l'annonce de la célèbre marque de chemises française. En effet, Lacoste S.A. pour son opération "Save your logo", en coopération avec le Fonds Mondial pour l'Environnement et la banque mondiale, choisit de s'impliquer dans la conservation du gavial du Népal. Dans le même temps, une équipe française filme à Chitwan le gavial pour une émission de télévision diffusée à l'automne.
Je me surprends à rêver qu'à nouveau de nombreux gavials se prélassent au soleil, sur les bords des rivières Rapti et Narayani...

Ganges gharial, a dream

My brother Eric and I had opened the Pierrelatte's Farm of crocodile since 2 years only. The world hurried up to see the Nile crocodiles, I had never seen true gharials, except on screens. They already fascinated me. Their very slender morphology, their short legs, their head with prominent eyes, their jaw so disentangled; they seemed so different from crocodiles I knew.
On the footbridge of the farm, a visitor told me about his trip in Nepal. He had seen this "funny crocodile" in a natural reserve. It became an obsession. I had to go to see it. I organized a journey with my friend André Servan, film-maker, to make a first report.
It was in January 1998. It was warm in the park of Chitwan, a few kilometres from Indian border, the weather was clear and, as in a theater scenery, the Himalaya range stood out in front of us.
A guide accompanied us, on the bank of the river Rapti, to try to make us discover "the Gharial". All along the road, we discover numerous tracks of elephants, rhinoceros, later, we follow the footprints of a tiger come to drink...
After a long walk, the incredible happens. Three big gharials, mouth opened, go into the sun. It is wonderful, we are there, the dream became reality and to perfect the picture, two wild peacocks come to drink. It is the beginning, the brain wave of my commitment for the conservation. My childrens, my granchildrens have to see that, the others also...
Two days later, for the report, we make the interview of the doctor Maskey, national parks of Nepal's director. He speaks to us with passion of gharials and the interest to work on their preservation. He speaks about it with more conviction as he made his doctoral thesis on the subject. Each of our meetings was for us a big pleasure, this cooperation allowed us to make big steps in the protection of the Gharial in Nepal. Regrettably Tirtha Maskey left us in 2007 in a terrible helicopter accident. I often think of him and his wife.
The interview took place in the breeding and reproduction center of Kasara. I noticed that this place was well thought, animals were beautiful, with very clean enclosures. I had not seen breeding so well conceived in developing countries. Nevertheless the nursery did not appear to correspond to needs, moreover young animals mortality was excessive.
We returned in France with magnificent images of Nepal, expression of this strong contrast between the Himalaya range, roof of the world, and the plain of Teraï where lives this crocodilian so particular... They did not leave media and public indifferents. It was necessary to continue to act for this animal.
My friend Samuel Martin, fascinated too by reptiles, was finishing his thesis in the Farm of crocodiles. He had to enter in army but he was seduced by the idea of a scientific cooperation in favour of gharials. He had been string along with Nepalese stories, having an adopted sister native of Katmandu. With Béatrice Langevin, veterinarian too, we created SOS crocodiles. It allowed us to collect enought money for their stay of 16 months and the first actions, in particular a campaign to raise awareness of the persons living near the Park. The gharial, as the rhinoceros and the tiger, is a part of symbolic sorts for which the tourists come in the park of Chitwan. So it is important to maintain the present population in rivers.
With Tirtha Maskey, we organised a release of gharials in the river Narayani. It was the opportunity for a second report, and a big happiness for me to see crocodiles taking their freedom.
To prepare this operation, Antoine Cadi, passionate of reptiles too, just ending his doctorate on the management of the wild populations, managed the operation and the implanting of radio broadcasting which allow to follow gharials in their movements. Sos crocodiles and the farm of crocodiles, supported by CEPA, are the financiers of this operation and those of the next years. In 2002 and 2003, several released take place, and several pairs of French students work with Nepalese counterparts to track animals, to understand better the way they live, and for establish maps of population.
It is first advance, but gharials are not out of danger...
In May, 2000, the Nepalese Government offers six gavials to the Farm of crocodiles. It is a big event, very mediatized. Public relatively little-known gharial. The interest of a shop window in this place dedicated to the Crocodilia, which receives already more than 200 000 visitors come from all Europe, is included by Nepal.
This gift is a chance to make the public avare of gharial and collect funds for the association. Tirtha Maskey and Minister of the Environment comes with animals to Pierrelatte. In 2005, it is Jean-Marie Ballouard who stays in the "Gharial conservation project" of Kasara during 8 months to build, with help of a Nepalese team, a new nursery, financed by SOS crocodiles. There is less mortality among the young gharials.
In 2006, the Farm of crocodiles is chosen to organize the world congress of the group of the specialists of crocodiles. It is the first one in Europe and it is a big succes.Gharial has the place of honour and made the poster of the congress. Around the animal, a group of specialists is create for its defence and its conservation.
Regrettably, in 2007, we learn the death of a large number of wild individuals in the river Chambal in India. Veterinarians of the specialist group Crocodile, among Samuel Martin, go on the spot to understand the causes. The pollution seems to be the main reason of this disaster.
Some months later, I go there with Michel Gunther, a photographer of the agency Bios. For several years, I was curious to see this famous river where lived the biggest density of gharials. Our visit disturbs, we are not welcome. Photos are forbidden. Would India hide these problems ? The media pressure is still not strong enough. You shouldn't forget the gharial!
At this beginning of year 2009, I am delighted of the announcement of the famous French brand of shirts. Indeed, Lacoste S.A for its operation "Save your logo", in cooperation with the World Fund for the Environment and the World Bank, chooses to involve in the conservation of gharial of Nepal. At the same time, in Chitwan, a French team films the gharial for a TV program diffused in autumn.
I'm again dreaming of numerous gavials going into the sun, on the bank of rivers Rapti and Narayani...